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«L'attitude 'Comment puis-je vous aider?' fait défaut chez la plupart des enseignants. Le dénigrement et l'humiliation publique, bien que parfois non manifestes, sont encore employés.»

— Un étudiant en médecine dentaire, 19981

«Comment peut-on s'attendre à ce que les étudiants deviennent des humanitaires, des membres actifs en dentisterie organisée, des fournisseurs de soins dentaires qui respectent l'éthique, et des dirigeants dans notre profession lorsque leurs trois ou quatre premières années sont imprégnées de colère envers l'institution même qui devrait inculquer ces qualités?»

— Un étudiant en médecine dentaire, 20082

Les étudiants en médecine dentaire s'appliquent à ce qu'ils font. Ils se présentent à la clinique avides d'apprendre. Depuis des années, ils réclament de meilleurs enseignants. Or, il semble, du moins à en juger par les commentaires ci-avant, que la communauté de l'éducation dentaire ait négligé dans une large mesure leurs appels au secours.

Certes, il n'est pas clair que, pour cette raison, les étudiants deviennent moins engagés dans la profession, et nous ne pouvons non plus avoir la certitude que leur rendement à titre de dentistes praticiens en souffre. Certains diront donc que ce n'est pas un problème. Dans certains cas du moins, nous avons encore d'excellents étudiants. Quoi qu'il en soit, il est difficile de nier qu'une amélioration dans l'enseignement les rendra meilleurs.

Le problème n'est pas que les instructeurs cliniques s'en moquent. Comme l'a expliqué le professeur Stephen Saroff de l'Université Commonwealth de Virginie en 1977, «Les aspects pédagogiques de l'enseignement dans les facultés de médecine dentaire ont été négligés, non pas à cause d'un manque d'intérêt ou de désir parmi les enseignants, mais plutôt à cause d'un manque de préparation aux rôles d'enseignants3.» Vingt-quatre ans plus tard, un sondage4 publié dans le European Journal of Dental Education a révélé que, sur les 51 institutions dentaires du Canada et des États-Unis qui ont répondu, seulement 21 offraient à leurs instructeurs cliniques une formation officialisée en enseignement.

Éventuellement, les nombres vont changer : la communauté dentaire adoptera pleinement la valeur attachée à la formation des enseignants pour ses instructeurs cliniques, et chacun d'eux aura accès à une formation complète en enseignement avant de commencer à superviser des étudiants et à faciliter l'apprentissage. Entretemps, il appartient à chacun des instructeurs de se préparer le mieux possible.

La recherche sur l'enseignement et l'apprentissage met l'accent sur 3 idées que tout instructeur clinique doit comprendre avant de se présenter en classe : l'importance d'établir une tonalité affective appropriée; le rôle de l'instructeur en tant que facilitateur de l'apprentissage; et son devoir de servir de modèle.

Tonalité affective

Richard McKenzie de l'Université de la Floride a suggéré que les instructeurs qui – par inadvertance ou non – omettent d'établir une tonalité positive et engageante dans leurs cliniques nuisent à l'environnement de l'apprentissage5. Aussi brillants qu'ils soient, les étudiants en médecine dentaire sont des êtres humains, et les êtres humains ne sont pas parfaits. Suivant le dire d'un autre expert, les étudiants «veulent savoir jusqu'à quel point vous vous souciez d'eux, avant de se préoccuper de ce que vous pouvez savoir»6. Ils sont motivés et inspirés par des enseignants qui font preuve de compassion et qui démontrent un intérêt véritable pour eux en tant que personnes et pour leur avenir en tant que dentistes. Indépendamment des répercussions potentielles sur leurs aptitudes et leurs carrières, les étudiants sont plus portés à éviter les instructeurs qu'ils perçoivent comme étant indifférents ou manquant d'inspiration. Ils sont moins portés à poser des questions à des types pareils. Et ils sont plus portés à faire peu de cas de leurs conseils une fois le cours terminé.

Par ailleurs, les étudiants réagissent favorablement à des instructions et à des directives claires et cohérentes. Les instructeurs efficaces définissent bien les objectifs de chaque cours et s'assurent que leurs étudiants comprennent ce qui est attendu d'eux. L'efficacité est compromise quand les étudiants ont l'impression que leurs instructeurs ne sont pas d'accord avec les objectifs énoncés par leur département. Ils perdent confiance quand le message n'est pas clair et unifié.

L'instructeur en tant que facilitateur

Les instructeurs efficaces enseignent moins qu'ils ne facilitent l'apprentissage. Selon une étude récente7, les étudiants disent plus souvent que leurs enseignants les plus efficaces sont «utiles, aidants et précieux», plutôt que «bien informés» ou «experts». Le rôle principal de l'instructeur clinique est donc de déterminer non pas tant ce que les étudiants devraient savoir que ce qu'ils savent vraiment quand ils arrivent à la clinique. Ils peuvent le faire en posant des questions pénétrantes et en évitant d'être frustrés ou déçus quand la réponse donnée est incorrecte ou inappropriée.

Les bons facilitateurs prévoient les occasions d'apprentissage avant qu'elles se présentent. En arrivant tôt à la clinique et en échangeant avec les participants avant que la séance ne débute officiellement, les acteurs ont la chance de mieux préparer leurs étudiants aux problèmes qui les attendent. Qu'arrivera-t-il, par exemple, si le patient d'aujourd'hui semble avoir reçu une anesthésie profonde à la mandibule, mais éprouve quand même de la douleur durant la préparation? Que faites-vous dans le cas d'une exposition pulpaire non prévue? Quel détartreur utilisez-vous pour détartrer la face linguale distale d'une troisième molaire inférieure? En mettant à l'avance les étudiants au courant des problèmes qui peuvent se présenter, vous réduisez le degré de stress et augmentez la confiance dont ils peuvent faire preuve en présence du patient.

L'autoréflexion est un autre élément essentiel de l'apprentissage. À la fin d'une séance clinique, avant de dévoiler les points et les notes, les instructeurs peuvent songer à inviter leurs étudiants à s'autoévaluer. En les encourageant à réfléchir aux critères d'excellence et à comparer leur propre rendement avec cette norme, ils favorisent l'apprentissage autant ou plus que toute note. Après avoir écouté les étudiants, l'instructeur peut entamer un débat, puis ajuster la note au besoin. Les instructeurs qui n'ont jamais utilisé cette méthode seront sans doute surpris de la répugnance de leurs étudiants à s'accorder une note spécifique. Dans ce cas, il vaut la peine de persister, car les avantages de l'autoréflexion par les étudiants seront ressentis tant par les étudiants que par l'instructeur.

Faciliter l'apprentissage des étudiants au lieu de leur donner des réponses est une compétence acquise qui exige beaucoup de pratique. Néanmoins une fois qu'elle est maîtrisée, la plupart des instructeurs jugent que le temps passé à la clinique porte plus de fruits.

L'instructeur en tant que modèle

Qu'ils le reconnaissent ou non, les instructeurs sont des modèles. Ils sont ce que leurs étudiants tentent de devenir. Les étudiants observent attentivement tout ce que leur instructeur fait dans la clinique (même quand cela ne semble pas le cas). Ainsi, l'instructeur salue-t-il le patient quand il se présente dans la salle opératoire? Lui dit-il quelque chose à la fin de la rencontre? (Un geste irréfléchi à l'égard d'un patient peut annuler des heures d'enseignement touchant la dignité des patients.) Et comment traite-t-il le personnel de soutien?

Pour les modèles, aider un étudiant n'est jamais indigne d'eux. Ils se font un plaisir de regarder ce que les étudiants ont dans leur salle opératoire, de prévoir ce dont ils peuvent avoir besoin et aller le chercher pour eux. En agissant ainsi, ils font épargner du temps aux étudiants et accentuent l'atmosphère de soutien de la classe qui est si propice à l'apprentissage. Dans un même esprit, les instructeurs qui ne sont pas occupés autrement peuvent se charger de la succion ou agir comme assistants durant de courts laps de temps. Dans ces cas, bien que les avantages soient clairs touchant l'efficacité de l'étudiant, les instructeurs doivent se garder d'intimider ceux qui ont moins confiance en eux. Les bons instructeurs font également un effort concret pour que les étudiants présents, de niveau préclinique ou observateurs, participent à toutes les discussions.

Les modèles s'entretiennent avec leurs étudiants au sujet des dilemmes qui peuvent survenir au cours d'une journée de pratique. Quand une procédure échoue, rembourse-t-on le patient totalement, en partie ou pas du tout? Quand on remarque qu'une procédure dentaire est mauvaise, à quoi un professionnel est-il tenu? Les étudiants aiment participer à des discussions de ce genre, et pour la méthode d'apprentissage, les avantages vont bien au-delà du dialogue initial.

Conclusion

Dans son ouvrage, The Creation of the Future : The Role of the American University8, Frank Rhodes écrit : «En raison de son impact profond sur chacun des étudiants et sur la société, enseigner ne peut jamais être un simple emploi, si exigeant que ce soit. Pour les meilleurs enseignants, l'enseignement est une vocation morale et ce, parce qu'il vise à développer non seulement la compréhension, mais aussi le sens de l'engagement; il influence et façonne non seulement l'intellect mais également la volonté, il comprend la culture non seulement de l'esprit mais du coeur. C'est une vocation parce qu'on y est appelé et non un simple emploi qu'on remplit.»

Dans nos facultés de médecine dentaire canadiennes, nous avons certains des meilleurs enseignants qui soient partout dans le monde. Nous espérons que les efforts suggérés ici rendront leur tâche plus aisée.

LES AUTEURS

Le Dr L. Chapnick est un professeur agrégé en dentisterie (endodontie) à la Faculté de médecine dentaire, Université de Toronto, et il exerce dans un cabinet privé limité à l'endodontie à Toronto (Ontario).

Le Dr A. Chapnick est directeur adjoint de l'enseignement au Collège des Forces canadiennes à Toronto et professeur agrégé au Collège militaire royal du Canada à Kingston (Ontario).

Écrire au : Dr Lorne Chapnick, 2200, rue Yonge, bureau 1009, Toronto (ON) M4S 2C6.

Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues et politiques officielles de l'Association dentaire canadienne.

Cet article a été révisé par des pairs.

Références

  1. A second opinion [letter to the editor]. J Am Dent Assoc. 1997;128(11):1492-94.
  2. Morton NA. Benefits of a humanistic education: a student perspective. J Dent Educ. 2008;72(1):45-7.
  3. Saroff SA. Survey of the perceived educational needs of dental faculty. J Dent Educ. 1977;41(2):81-4.
  4. Chapnick L, Chapnick A. North American survey of teacher training programmes in dental schools [news and views]. Eur J Dent Educ. 2001;5(1):43-4.
  5. Mackenzie RS. The role of curriculum and faculty evaluation in dental education. J Dent Educ. 1981;45(10):678-84.
  6. Christensen R. Every student teaches and every teacher learns. In: Christensen R, Garvin D, Sweet A, eds. Education for judgment: the artistry of discussion. Boston: Harvard Business School; 1992. p. 111.
  7. Jahangiri L, Mucciolo TW. Characteristics of effective classroom teachers as identified by students and professionals: a qualitative study. J Dent Educ. 2008;72(4):484-93.
  8. Rhodes FH. Teaching as a moral vocation. In: Rhodes FH, editor. The creation of the future: the role of the American university. Ithaca (NY): Cornell University Press; 2001. p. 58-83.