Utilisation d’un pont en porte-à-faux (pont cantilever) fixé à la résine et d’un fil torsadé flexible pour remplacer une incisive supérieure perdue à la suite d’un traumatisme

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SOMMAIRE

Nous décrivons un appareil simple utilisé chez un enfant de 8 ans pour remplacer une incisive centrale décoronée à la suite d'un traumatisme. Une dent-pontique naturelle en porte-à-faux fixée à l'incisive centrale adjacente peut offrir une solution immédiate. Ce type d'appareil peut être employé lorsque les conditions cliniques ne permettent pas l'utilisation d'une prothèse partielle fixe ou amovible classique.


Introduction

Lorsqu'un enfant perd une incisive centrale supérieure permanente à la suite d'un traumatisme – qui cause une fracture cervicale ou une avulsion sans possibilité de réimplantation – ou d'une décoronation, un certain nombre d'options existent pour combler l'espace libre, selon l'état des dents adjacentes et le caractère du patient. Ces options incluent l'utilisation d'appareils amovibles ou fixes1.

L'appareil amovible le plus courant est une plaque en acrylique qui supporte la dent devant remplacer la dent manquante2,3 et qui est fixée aux premières molaires supérieures par deux crochets d'Adams. Une autre option consiste à utiliser un appareil de type «flipper», où la dent de remplacement est retenue par deux crochets sur les dents-piliers adjacentes.

L'appareil fixe peut consister en une prothèse partielle ayant la forme d'un fil métallique soudé sur la face linguale de deux bagues collées aux molaires supérieures, la dent de remplacement étant fixée au fil. Parmi les autres options fixes, mentionnons le pontique fixé aux dents adjacentes4,5 et le pont renforcé par fibres6.

Pour toutes ces options, la couronne naturelle ou une prothèse en acrylique ou en résine composite peut servir de dent de remplacement.

Lorsque les circonstances ne permettent pas le recours à ces méthodes – p. ex. si le patient refuse de porter un appareil amovible ou si les dents adjacentes ne peuvent supporter un flipper ou un appareil collé par la technique de mordançage parce que leur éruption n'est pas complète ou que les dents ont subi un grand traumatisme – le dentiste est forcé de trouver une autre solution.

Nous décrivons un appareil simple pour remplacer une incisive centrale supérieure chez un garçon de 8 ans extrêmement actif et agité, dont l'incisive centrale supérieure droite a été déconorée à la suite d'un traumatisme.

Étude de cas

Un garçon de 8 ans a consulté après que son incisive centrale supérieure droite permanente (dent 11) ait été déconorée par un dentiste (ill. 1). Douze mois auparavant, la dent avait été réimplantée une heure après son avulsion. La dent avait été obturée avec de l'hydroxyde de calcium et des signes d'ankylose sont apparus. Le jour précédant la présente consultation, cette même dent a subi une fracture horizontale à la jonction amélo-cémentaire, sous la gencive. À la suite de ce deuxième traumatisme, une décoronation a été pratiquée, le canal pulpaire a été élargi, il y a eu une préparation dépassant l'apex de la racine, les bords fracturés ont été arrondis et la racine a été recouverte de tissus gingivaux et suturée avec soin. La décoronation avait pour but de préserver l'os dans l'alvéole en vue de la mise en place future d'un implant7.


Ill. 1 : Vue frontale immédiatement après la décoronation de la dent 11.



Le garçon présentait une malocclusion de classe II d'Angle, avec un surplomb horizontal de 4 mm et un surplomb vertical de 5 mm, et il était déjà prévu de pratiquer un traitement orthodontique après l'éruption de toutes les dents permanentes. Les incisives latérales étaient en éruption partielle. Le remplacement de la dent déconorée serait donc temporaire, car le plan de traitement futur prévoyait la mise en place d'un implant à l'endroit présentement occupé par la racine résiduelle résorbée dans l'alvéole.

Comme il était essentiel de préserver l'espace pour le futur traitement orthodontique et qu'il fallait agir sur-le-champ, différentes options ont été examinées avec le patient et sa famille pour le remplacement de la dent 11. Le patient a refusé un appareil amovible. Il voulait absolument un appareil fixe intégrant sa propre dent et il ne voulait pas de la prothèse partielle fixe avec fil métallique décrite précédemment. L'option consistant à fixer un pontique aux deux dents adjacentes (21 et 12) a aussi été écartée, car la profondeur du surplomb vertical rendait difficile une attache bilatérale. De plus, l'éruption de l'incisive latérale était incomplète. Le pontique ne pouvait donc être fixé qu'à la dent 21, créant ainsi un pontique en porte-à-faux8.

L'appareil

Durant la décoronation, la couronne naturelle a été conservée pour servir de pontique. La couronne a été raccourcie pour s'adapter aux dimensions inciso-gingivales, sans toucher à la gencive afin de prévenir l'irritation gingivale et de faciliter le nettoyage7. Les tissus ont été retirés de la chambre pulpaire et remplacés par une résine composite (Charisma, Heraeus Kulzer Gmbh, Hanau, Allemagne).

Un fil torsadé flexible de 0,0175 po (0,4445 mm) [3M Unitek, Monrovia, Calif.] – lequel est largement utilisé pour le jumelage des dents après un traitement orthodontique – a été plié pour former une boucle de 9 mm et fixer le pontique à la dent adjacente (ill. 2)9. Le but était de couvrir plus de la moitié de la largeur du pontique et de l'incisive-pilier adjacente; l'incurvation au centre visait à s'ajuster à l'arcade supérieure. Afin d'éviter que le pontique ne touche les incisives inférieures après sa fixation, 0,3 mm d'émail a été retiré de la face linguale de la couronne décoronée10,11. La boucle a ensuite été fixée au pontique avec une résine composite (Charisma) [ill. 3]. Le pontique a été maintenu en place et ajusté à la forme de l'arcade, puis les extrémités libres de la boucle ont été fixées à l'incisive centrale adjacente (dent 21) avec une résine composite (ill. 4).

Ill. 2 : Boucle de 9 mm faite avec un fil torsadé souple de 0,0175 po (0,4445 mm) pour fixer la dent-pontique naturelle à l'incisive centrale adjacente.

Ill. 3 : Vue buccale de la boucle fixée au pontique avec une résine composite.




Ill. 4 : Vues linguale a) et buccale b) du pontique collé à l'incisive centrale adjacente avec une résine composite.





Le patient était satisfait du résultat (ill. 5). On lui a expliqué la complexité de l'appareil et on lui a dit de faire attention durant l'utilisation de ses dents antérieures en raison d'une légère mobilité du pontique. On a aussi insisté sur l'importance de maintenir une excellente hygiène buccodentaire.

Le patient a été revu 1 semaine plus tard, puis à intervalles de 3 mois pendant 1 an. À la visite après 6 mois, la zone décoronée semblait normale à la radiographie, tout comme la lamina dura de la dent 21 (ill. 6). Lors de chaque visite de suivi, on a rappelé au patient les principes d'une bonne hygiène buccodentaire. Durant toute la période de suivi, le patient n'a mentionné aucune difficulté à manger et a observé un fonctionnement normal; il s'est dit pleinement satisfait de la solution. L'éruption de la dent 12 s'est poursuivie, en migrant toutefois légèrement dans l'espace de la dent décoronée (ill. 7). Après consultation avec le patient, sa famille et l'orthodontiste, il a été décidé de ne pas pratiquer de deuxième intervention clinique à ce stade et d'attendre plutôt le début du traitement orthodontique global.


Ill. 5 : Résultats esthétiques satisfaisants.

Ill. 6 : Au suivi après 6 mois, l'évaluation radiographique a révélé que la zone décoronée et la lamina dura de la dent 21 étaient normales.





Ill. 7 : Au suivi après un an, l'éruption continue de la dent 12 avait provoqué une certaine migration dans l'espace de la dent décoronée.





Discussion

Un pontique en porte-à-faux fixé à la dent 21 au moyen d'une boucle faite d'un fil torsadé souple a offert une solution provisoire immédiate après la décoronation, en attendant que l'on puisse commencer le traitement orthodontique et qu'une réévaluation ait lieu. Cet appareil a donné des résultats esthétiques satisfaisants et a été installé rapidement. Le fil torsadé souple a conféré au pontique une certaine flexibilité, sans exercer de forces de charge sur l'incisive centrale adjacente, ainsi qu'une certaine stabilité. Un espace étroit a été maintenu entre le pontique et la gencive pour faciliter le nettoyage et favoriser la poursuite de la croissance osseuse verticale au site de la décoronation.

Ce traitement conservateur, réalisé avec un pontique en porte-à-faux fixé à la résine et un fil torsadé souple, requiert une dent-pilier intacte ou très peu restaurée, ainsi qu'une quantité substantielle d'émail pour la liaison12. Ces conditions étaient réunies dans notre cas.

Pour que l'utilisation de prothèses fixées à la résine soit réussie, il faut assurer une bonne rétention13. En raison de l'étendue du surplomb vertical et du fait que l'éruption de l'incisive latérale adjacente n'était pas complète, il était impossible d'utiliser toute la face linguale de la dent pour la liaison. On a toutefois tenté de réaliser une liaison sur le maximum de la face linguale afin d'obtenir une rétention maximale.

Comparativement aux appareils fixes cimentés, la dent-pontique naturelle permet une bonne hygiène buccodentaire et réduit le risque de caries. Elle offre également un avantage psychologique (car on utilise la dent du patient) et un résultat d'une esthétique acceptable. Il ne faut toutefois pas oublier que, malgré les mises en garde au sujet des dents antérieures, un garçon de 8 ans actif a peu de contrôle sur l'utilisation de ces dents.

En ce qui concerne la migration présumée de la dent 12 dans l'espace de la dent décoronée, une deuxième intervention visant à préserver l'espace a été envisagée. Cependant, le patient et ses parents ont préféré que cette intervention se fasse au moment du traitement orthodontique, qui devait commencer après l'éruption de toutes les dents permanentes.

Les prothèses partielles amovibles ont l'inconvénient de dépendre de la capacité d'un patient de respecter certaines règles, en plus de pouvoir être perdues ou brisées. Dans le cas présent, il était impossible d'utiliser un appareil amovible en raison du caractère du patient.

Sans être supérieur à une prothèse partielle fixe formée d'un fil palatin soudé à la face linguale de 2 bagues collées aux premières molaires supérieures, la dent de remplacement étant fixée au fil, l'appareil proposé s'est révélé efficace et pourrait élargir l'éventail des options thérapeutiques qui s'offrent au dentiste dans des cas précis.

LES AUTEURS

Le Dr Peretz est professeur adjoint et directeur du Département de dentisterie pédiatrique, École de médecine dentaire Maurice and Gabriela Goldschleger, Faculté de médecine, Université de Tel Aviv, Tel Aviv (Israël).

Le Dr Nuni est enseignant clinique au Département d'endodontie, l'Université Hébreuse – Faculté de médecine dentaire Hadassah, Jérusalem (Israël).

Écrire au : Dr Benjamin Peretz, Department of pediatric dentistry, Maurice and Gabriela Goldschleger School of Dental Medicine, faculty of medicine, Tel Aviv University, Tel Aviv, Israel. Courriel : bperetz@post.tau.ac.il

Les auteurs n'ont aucun intérêt financier déclaré dans la ou les sociétés qui fabriquent les produits mentionnés dans cet article.

Cet article a fait l'objet d'une révision par des pairs.

Références

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