Faire rimer dentisterie organisée et diversité

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Dr Ernest Lam

La démographie du Canada a changé, tout comme celle des dentistes. Quand j’ai terminé mon doctorat en médecine dentaire à l’Université de la Colombie-Britannique en 1989, ma promotion de 40 étudiants comptait 7 femmes (17,5 %) et 13 membres d’une minorité visible (32,5 %). Aujourd’hui, j’enseigne à l’Université de Toronto et le bassin de finissants de 2013 est beaucoup plus diversifié : les femmes représentent 60 % des cohortes et la majorité des étudiants ont un nom sud-asiatique ou chinois. Par ailleurs, bien des étudiants sont la première génération de leur famille à naître au Canada.

Les changements démographiques dans les facultés de médecine dentaire du Canada n’ont rien d’étonnant. Nous les avons constatés à l’admission des étudiants de première année et dans les cours de quatrième année accueillant des dentistes formés à l’étranger venus faire une propédeutique. La population étudiante est le reflet de la population canadienne. En 2012, on comptait légèrement plus de femmes (50,4 %) que d’hommes au pays1. En 2011, près d’une personne sur cinq (19,1 %) était membre d’une minorité visible2, en provenance surtout d’Asie du Sud et de Chine. De 2006 à 2011, la part des minorités visibles a augmenté de 23,6 % au sein de notre population2.

La diversité relevée chez les diplômés de la dernière génération ne s’est toutefois pas reflétée à la direction de la médecine dentaire organisée. Certains organismes semblent être encore la chasse gardée des hommes blancs d’âge moyen. Où sont donc les femmes dans les postes cadres? Y a-t-il assez de femmes pour occuper des postes de direction? Selon l’ADC, les femmes représentent actuellement 32,3 % des dentistes au pays et environ 55 % des dentistes de moins de 30 ans. Or, depuis 1902, une seule femme a occupé la présidence de l’ADC. Aussi incroyable que cela paraisse, le bilan d’autres organismes en médecine dentaire au Canada est encore pire!

Je ne suis pas partisan de la discrimination positive. Je crois plutôt qu’un poste revient à la personne la plus compétente. Cependant, en médecine dentaire organisée, il est difficile de concevoir que cette personne soit si rarement une femme. Les femmes sont-elles trop affairées à prendre soin de leur famille pour occuper des postes de direction en médecine dentaire organisée? C’est possible, mais j’en doute. Les femmes sont-elles dépourvues des facultés intellectuelles nécessaires? Au contraire! Pour s’en convaincre, il suffit de prendre la moyenne pondérée cumulative des femmes en première année de médecine dentaire.

Ce mystère soulève bien d’autres questions. Les femmes sont-elles moins ambitieuses que les hommes? Sont-elles moins bien guidées que leurs homologues masculins? Les efforts de planification de la relève visent-ils à repérer l’homme – au lieu de la femme – idéal pour un poste à combler? Y a-t-il un « plafond de verre » en médecine dentaire? La médecine dentaire est-elle un « club des dinosaures »? Même si ces questions restent sans réponse définitive, il vaut la peine d’y réfléchir.

À titre de membre de nombre d’organismes dentaires locaux, provinciaux et nationaux, je prête attention à la façon dont leur direction reflète mon identité. Sinon, comment savoir qu’ils partagent mes intérêts? Leurs priorités correspondent- elles aux miennes et suis-je par conséquent véritablement représenté ?

Il est temps que la médecine dentaire organisée se mobilise pour identifier de manière proactive les nombreux éléments brillants de la population féminine et des minorités visibles, pour en recruter à des postes de direction et pour les encadrer. Autrement, les organismes dentaires courent le risque de perdre leur pertinence auprès de membres toujours plus diversifiés.

Le professeur Lam est président de l’Académie canadienne de radiologie buccale et maxillofaciale. Il est aussi titulaire de la chaire en sciences cliniques Dr. Loyd and Mrs. Kay Chapman à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Toronto.

 

Références

  1. Government of Canada. Population by marital status and sex. Ottawa: Statistics Canada; 2012 [updated 2012 Dec 20; accessed 2013 Jun 10]. Available: http://www.statcan.gc.ca/tables-tableaux/sum-som/l01/cst01/famil01-eng.htm
  2. Government of Canada. Immigration and Ethnocultural Diversity in Canada, National Household Survey. Ottawa: Statistics Canada; 2013 [updated 2013 May 10; accessed 2013 Jun 10]. Available: http://www12.statcan.gc.ca/nhs-enm/2011/as-sa/99-010-x/99-010-x2011001-eng.cfm#a4