Prise en charge de patients atteints de candidose buccale

Date
Body

Candidose buccale

Infection opportuniste commune causée par Candida albicans.

Tableau clinique

Population

  • Patients âgés (typiquement)
  • Jeunes enfants
  • Individus dont la santé est fragilisée

Signes

  • Candidose buccale pseudomembraneuse : plaques molles d'un blanc crémeux qui, lorsque essuyées, exposent une muqueuse érythémateuse (ill. 1)
  • Candidose buccale érythémateuse : plaques ou macules érythémateuses atrophiées généralisées et bien définies (ill. 2)
  • Candidose buccale hyperplastique : zones blanches qui ne disparaissent pas lorsqu'on les essuie (ill. 3)
  • Chéilite angulaire : fissures, desquamation et érythème aux commissures de la bouche (ill. 4)
  • Glossite losangique médiane : taches rouges ou rouges et blanches au mi-dos de la langue, avant les papilles calciformes (ill. 5)

Ill. 1 : a) Candidose pseudomembraneuse causée par le port prolongé de prothèses dentaires. b) Résolution de l'infection grâce au nettoyage approprié de la prothèse et à l'utilisation de rince-bouche à base de nystatine.







Ill. 2 : a) Candidose érythémateuse consécutive à une utilisation inappropriée d'un inhalateur stéroïdien. b) On observe sous éclairage autofluorescent une perte diffuse de fluorescence verte consécutive à une inflammation tissulaire. c) Résolution  de l'infection grâce à la mise en place de mesures préventives et à l'utilisation de disques de clotrimazole (10 mg). d) La fluorescence verte réapparait après résolution de l'infection.




Ill. 3 : a) et b) Candidose hyperplastique.






Ill. 4 : a) Chéilite angulaire. b) On observe sous éclairage autofluorescent un signal orange révélateur d'une colonisation microbienne. c) Résultats 3 semaines après traitement topique et utilisation d'une crème de clotrimazole 1 %.




Ill. 5 : a) Glossite losangique médiane. b) Résultats 3 semaines après traitement à l'aide de disques de clotrimazole.




Symptômes

  • Peut être asymptomatique
  • Changements sensoriels buccaux non spécifiques (p. ex. brûlement, picotement, goût métallique ou désagréable en bouche)

Investigation

Identification de l'étiologie probable

Recueillir les antécédents médicaux et dentaires du patient.

  • Facteur locaux : port prolongé d'appareils orthodontiques ou prosthétiques, mauvaise hygiène buccodentaire, sécheresse de la bouche, surplomb vertical
  • Facteurs systémiques : immunovulnérabilité (p. ex. syndrome de Sjögren, sida, diabète sucré non contrôlé, autres troubles endocrinien, malnutrition ou malabsorption [p. ex. carence en vitamine B])
  • Effets secondaires liés à la médication : antibiothérapie à large spectre d'action récemment complétée, utilisation systémique ou localisé de corticostéroïdes (p. ex. inhalateur contre l'asthme), traitement antirejet après une greffe d'organe, chimiothérapie

Investigation clinique

  • Un frottis cytologique devrait être préparé puis envoyé à un laboratoire pour diagnostic microscopique.
  • Une biopsie tissulaire devrait être réalisée afin d'exclure les autres troubles épithéliaux, advenant l'échec du traitement antifongique.

Diagnostic

Selon les signes et symptômes cliniques et les résultats de la cytologie exfoliatrice, un diagnostic de candidose buccale est établi. S'il n'y a pas eu d'examen cytologique des squames, la réponse clinique aux antifongiques suggère un diagnostic rétrospectif de candidose buccale.

Diagnostic différentiel

Infection bactérienne ou virale, stomatite (p. ex. stomatite lichenoïde, dermatite de contact, irritation physique, thermique ou chimique), tumeur épithéliale précancéreuse ou cancéreuse.

Traitement

Prise en charge non pharmaceutique (traitement local)

L'objectif est d'éliminer ou de rectifier les étiologies  contribuant au problème, afin d'améliorer le résultat thérapeutique et de réduire la probabilité de réapparition de la candidose.

  • Patients portant une prothèse dentaire : Nettoyer la prothèse et éviter de la porter la nuit. Faire tremper la prothèse dans une solution diluée d'eau de javel (1 c. à thé pour 1 tasse d'eau) ou de gluconate de chlorhexidine 0,12 %. Bien rincer avant de porter la prothèse dentaire. Mise en garde : La couleur de la prothèse pourrait être altérée.
  • Patients souffrant de sécheresse de la bouche : Assurer une hydratation adéquate et mâcher de la gomme avec xylitol afin d'améliorer la sécrétion salivaire.
  • Patients souffrant de chéilite angulaire : Éviter de lécher les lésions pour ne pas les surinfecter de bactéries salivaires. Jeter les baumes à lèvres et rouges à lèvres utilisés par le patient afin d'éviter la réinoculation de l'agent infectieux.
  • Patients utilisant des inhalateurs stéroïdiens : Brosser et rincer le palais après chaque utilisation de l'inhalateur. Digirer le patient vers le pharmacien afin de passer en revue la technique d'inhalation des composés en  aérosol et considérer au besoin l'utilisation d'une  aérochambre ou d'un inhalateur doseur.

Prise en charge pharmaceutique (traitement antifongique topique)

L'objectif est d'améliorer l'administration des antifongiques en prolongeant le temps de contact du médicament avec le site infectieux. Un traitement topique doit normalement être utilisé pour au moins 2 semaines afin d'éliminer complètement l'infection. Les patients peuvent cependant ressentir une amélioration des symptômes après 3 à 4 jours d'utilisation (ill. 6).

  • Rappeler aux patients qu'ils doivent :
    • Éviter de consommer de la nourriture ou des liquides dans les 30 minutes suivant l'application du traitement topique.
    • Enlever leur prothèse avant l'administration du traitement local, le cas échéant.


Ill. 6 : a) Candidose atrophique. b) Résorption partielle de l’érythème après 2 semaines de traitement antifongique topique. c) Résorption complète de la lésion après 3 semaines de traitement.




Options de traitement

  • Les médicaments sous forme de comprimé sont plus avantageux que ceux en suspension quant au temps de contact avec la muqueuse affectée. Ils doivent cependant être préparés par des pharmaciens et sont plus coûteux.
  • Les préparations de clotrimazole et de nystatine topiques sont normalement destinées au traitement d'autres candidoses cutanéo-muqueuses (p. ex. infections vaginales à levures, pied d'athlète) et ne sont destinées qu'à un usage externe. Elles peuvent être utilisées de façon sécuritaire sur la bouche, les lèvres et les prothèses dentaires.
    • Clotrimazole (10 mg; sous forme de comprimé) : Dissoudre 1 comprimé dans la cavité buccale. Répéter 5 fois par jour.
    • Nystatine en suspension (100 000 U/mL) : Rincer la bouche 2 fois par jour avec 5 cc pendant 2 minutes, puis recracher. Mise en garde : Les préparations commerciales peuvent contenir des édulcorants cariogènes.
    • Traitements sans ordonnance (crème de clotrimazole 1 %, crème de nystatine 100 000 U/g ou onguent) :
      Patients atteints de chéilite angulaire : Appliquer 2 fois par jour (après les repas) une mince couche aux coins interne et externe de la bouche.
      Patients portant une prothèse dentaire : Appliquer 2 fois par jour (après les repas) une mince couche sur le côté de la prothèse en contact avec les tissus buccaux ainsi que sur la muqueuse buccale infectée.

Autres traitements

Il est conseillé aux patients souffrant d'insuffisance hépatique (p. ex. en raison de l'alcoolisme ou de l'hépatite) ou utilisant la médication pour une période prolongée d'effectuer de façon périodique un test de fonction hépatique. Les patients souffrant d'insuffisance hépatique devraient être avisés des interactions médicamenteuses possibles (dont celles avec de puissants inhibiteurs du cytochrome P450 exprimé au niveau du foie).

  • Comprimés de fluconazole (100 mg) : 1 comprimé, 1 fois par jour pendant 2 semaines
  • comprimés de kétoconazole (200 mg) : 1 comprimé, 1 fois par jour pendant 2 semaines

Conseils

  • Si le patient ne répond pas au traitement antifongique initial, le diriger vers un spécialiste en médecine buccale afin d'évaluer la pertinence d'opter un pour traitement systémique.
  • Les inhalateurs contre l'asthme ne contiennent pas tous des stéroïdes. Les inhalateurs de couleur autre que vert ou bleu contiennent des stéroïdes.
  • D'autres situations pour lesquelles consulter un spécialiste en médecine buccale peut être recommandé incluent :
    • Candidose concomitante qui surimpose à la dysplasie épithéliale, carcinome spinocellulaire, lichen plan
    • Manifestation buccale d'une condition systémique (p. ex. dysfonctionnement endocrinien)
    • Suivi auprès d'un médecin de la sécurité d'un antifongique systémique
    • Prise en charge de facteurs contribuant au problème, notamment la xérostomie consécutive à l'administration de médicaments ou le syndrome de Sjögren
    • Prise en charge du syndrome de brûlure de la bouche s'étant initialement présenté comme une candidose buccale

L’auteur

 

Le Dr Ng est un spécialiste en médecine buccale et en pathologie. Il exerce à Abbotsford ainsi qu'à Vancouver, en Colombie-Britannique. Il est aussi professeur adjoint clinique à la Faculté de médecine dentaire de l'Université de la Colombie-Britannique et directeur du programme de soins buccodentaires pour les patients dont la situation médicale est complexe, service de dentisterie de l'Hôpital général de Vancouver. 

Écrire au : Dr. Samson Ng, Vancouver General Hospital (VGH), Gordon and Leslie Diamond Health Care Centre, 7th floor, 2775 Laurel Street, Vancouver, B.C. V5Z 1M9. Courriel : Dr.s.ng@opusoralhealth.ca

L’auteur n’a aucun intérêt financier déclaré.

Cet article a été révisé par des pairs.

Ressources suggérées

  1. Giannini PJ, Shetty KV. Diagnosis and management of oral candidiasis. Otolaryngol Clin North Am. 2011;44(1):231-40.
  2. Muzyka BC. Oral fungal infections. Dent Clin North Am. 2005;49(1):49-65.